problèmes de communication dans le couple

Quelles solutions aux problèmes de communication ?

     Les problèmes de communication au sein d’un couple comptent parmi les facteurs principaux qui conduisent les couples à consulter un conseiller conjugal.

     Il n’existe pas aujourd’hui un seul magazine spécialisé en matière de psychologie qui ne traite pas de ces problèmes. Comment expliquer ce « symptôme » moderne ?

     Comment remédier à ces problèmes lorsqu’un couple n’arrive plus à se comprendre et à communiquer ?

     Différentes approches sont possibles pour restaurer la confiance dans le dialogue au sein du couple, mais pour cela, il faut d’abord déterminer les raisons de ce symptôme.

     On peut parfois simplement rappeler et réapprendre les clefs de base pour qu’une discussion produise des effets positifs, en s’appuyant notamment sur le travail de Jacques Salomé. La thérapie sera alors brève.

     D’autres fois, le problème est plus profond. On pourra alors utiliser les outils de la psychanalyse qui permettent d’accéder à la compréhension des nœuds qui nous habitent et qui conditionnent nos relations.

     En fonction du besoin, ce travail peut se faire soit avec les deux partenaires du couple, la technique qui s’imposera alors sera celle d’une entraide entre les partenaires, soit le travail se réalise seul et la méthode consistera à dénouer les blocages personnels qui entravent la possibilité d’établir des relations saines et équilibrées.

     En dehors du travail particulier qui est différent pour chaque couple et chaque individu, et qui ne peut se faire que dans le cadre de la thérapie, nous vous proposons toutefois dans cet article une ouverture et une réflexion différentes de celles habituellement exposées dans les magazines et autres articles qui traitent de ce sujet.

     Ce qui se dit en général sur cette difficulté de communication au sein du couple peut être illustré par le livre de John Gray, best-seller mondial, « Les hommes viennent de mars et les femmes de vénus » : l’homme et la femme ne viennent pas de la même planète et c’est pour cette raison que nous avons tellement de peine à nous comprendre. Il propose donc un dictionnaire et un guide du langage propre à la femme et à l’homme.

     Cependant, si ce livre a eu tant de succès, ce n’est pas pour la raison espérée. Au contraire, il a provoqué des réactions contraires à son projet initial : ceux qui ont des problèmes de communication se justifient en affirmant : « de toute façon nous ne venons pas de la même planète, nous ne pouvons donc pas nous comprendre ! ». En conséquence, au lieu d’aider à la communication, ce livre a le défaut de nous dédouaner de l’envie de nous comprendre !

     Je conseille vivement la lecture du livre très sympathique de la psychanalyste Sophie Cadalen, « Hommes, femmes ni Mars, ni Vénus », qui critique le travail de Gray. Elle développe de façon très claire l’idée que l'inconscient, qui est propre à chacun, fait que nous sommes autant de planètes que d'humains. Il n’y aurait pas donc pas deux planètes, celle des hommes et celle des femmes, mais autant de planètes que d’humains !

     Pour avancer plus loin dans ce questionnement, il faut distinguer le dialogue de la communication.

     On parle beaucoup aujourd’hui de la communication, mais en revanche, on parle peu du dialogue.

     Pour comprendre cette différence, je vous invite à lire l’article « Communication animale et langage humain » du linguiste Émile Benveniste dans son livre, Problèmes de linguistique générale. En résumé, Émile Benveniste avance l’idée que les animaux communiquent mais ne parlent pas : l’abeille transmet un message, une information, à une autre abeille et celle-ci va exactement à l’endroit qui lui a été indiqué. En revanche l’homme parle, il ne fonctionne pas avec des codes comme le code de la route. La parole porte un sens et une signification et toute phrase parlée peut revêtir différentes interprétations possibles, d’où les innombrables malentendus, mais aussi toute la richesse du dialogue[1].

     Il faut encore, à mon avis, distinguer le dialogue de la communication en raison du fait que la communication implique qu’un message ou qu’une information soit transmise au récepteur, mais n’implique pas un retour de l’autre ni sa réaction. Les médias nous communiquent des informations mais ne dialoguent pas avec le récepteur.

     Tous les outils de communication d’aujourd’hui facilitent certes la communication dans le sens d’informer l’autre, mais n’habituent pas au dialogue, à l’échange et à la discussion.

     Dans un couple, il ne suffit pas de communiquer ses sentiments, opinions et points de vue, comme tous les magazines le répètent, encore faut-il en discuter, et le dialogue implique l’idée d’échange. En outre, l’échange implique toujours une perte, car le point de vue et l’émotion vont, à travers l’échange et la discussion, être transformés et peuvent même être ressentis comme déformés.

     Ce qui est difficile ce n’est pas la communication, c’est le dialogue. Dialoguer c’est accepter d’une certaine manière que l’autre entende différemment que nous-mêmes ce que nous vivons. Dialoguer c’est accepter la différence.

     Si à notre époque une telle souffrance résulte du manque de dialogue c’est parce que nous ne sommes plus habitués à soumettre nos émotions et idées à la critique et à la vision de l’autre. En effet, tous les outils de communication permettent d’avoir un exutoire pour écrire ce que l’on pense, sans qu’en réalité cela soit soumis à la critique de l’autre. Mais dès que l’on entreprend de vivre avec un autre, nous avons du mal à supporter la perte de cet exutoire. L’autre n’est pas internet, car à la différence d’internet, il répond et réagit, et souvent de manière différente de ce à quoi l’on croyait s’attendre.

     Or l’échange apporte aussi un gain. Au-delà du fait qu’il  permet d’évoluer et de découvrir par l’autre un regard différent que le sien, l’échange nous permet d’être à deux  plutôt que seul dans la compréhension et la gestion de nos  émotions.

     Le dialogue, dans le sens que nous lui avons donné, est vital à la relation conjugale pour la simple raison que le dialogue met en relation deux sujets humains, parlant et désirant. Sans dialogue, l’autre n’est plus un sujet humain mais un objet que l’on manipule.

     Si l’on accepte d’entrer dans les règles de la discussion, en écoutant d’abord ce que l’autre dit et en lui prouvant que ce qu’il ressent nous importe, alors la réaction et la réponse de l’autre ne sera qu’un bénéfice et une chance de vivre ce monde autrement que ce que notre narcissisme nous contraint à penser. L’autre, à la différence des médias et de tous les objets de communication qui nous poussent à avoir une pensée unique, va nous permettre d’accéder à autre chose, à un ailleurs.

     La culture a toujours été dérangée par l’amour, et la société actuelle nous pousse aussi au célibat et à la jouissance solitaire, pour la simple raison que le célibat nous permet avec tous ces outils de communication de rester dans la pensée unique sans la remettre en question. Être amoureux c’est prendre le risque de rencontrer du différent et de sortir de la pensée unique.

     Oui, il peut être difficile de sortir de sa jouissance solitaire et de son discours interne. Mais qu’il est bon de vivre à deux et de découvrir l’aventure de l’amour ! Aucun objet ne peut et ne pourra remplacer l’écoute « métamorphosante » de notre partenaire !


[1] Pour plus d’approfondissements sur ce décalage entre l’énoncé et le sens de la phrase, la théorie de Jacques Lacan est très instructive, en particulier le travail impressionnant qu’il a réalisé pour saisir l’écart qui existe entre le signifiant et le signifié.